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Ecouter : le plus beau cadeau


Souvent, lorsque j'entends l'autre, j'ai envie de répondre, de le ramener à mon vécu, de donner des comparaisons. Et tout cela, ce n'est pas de l'Amour, c'est mon ego qui cherche à ramener l'extérieur à lui même au lieu d'y accueillir la vie. C'est l'enfant en moi qui se concentre sur la conscience individuelle.


L'écoute est le plus beau cadeau que nous puissions faire à quelqu’un, c’est lui dire : tu es important pour moi, tu es intéressant, je suis heureux que tu sois là. Et pourtant, c'est si difficile. De nombreux freins perturbent ce processus, cette intention d'aimer.


En tant que professionnelle dans la relation d'aide, en tant que mère, amie, compagne, bénévole, je rencontre ces obstacles au quotidien. Et j'apprends à les observer, pour me taire vraiment, et écouter depuis un espace vide.


Ce qui m'empêche d'écouter

De nature émotionnelle, je n'écoute pas quand je m'identifie à d’autres choses. Je me projette lorsque ce que j'entends de l'autre est en en résonance avec ma propre vie, comme un écho émotionnel. Parfois, les soucis m'empêchent d’être en lien. Je peux aussi être dans un schéma de pensée présent en moi (une sorte de conditionnement qui m'amène à croire une seule version de la réalité). Alors j'essaye de faire correspondre le vécu de l'autre ou sa difficulté à mes propres freins personnels. Je peux aussi avoir une posture physique fermée, avec des tensions dans mon corps, un regard fuyant, les jambes croisées... Nos traits de caractère sont très actifs dans l’écoute. La considération intérieure, c'est à dire l'espace dans lequel je suis avec mes pensées, émotions, sensations, au lieu d'être totalement présente peut prendre 90% de la place, et générer des oublis un peu plus tard (ah oui tu m'avais dit ça ?). J'ai choisi le métier de la relation d'aide parce que j'avais besoin d'apprendre à écouter, à m'écouter, à écouter les autres. Et je suis heureuse de me rendre compte du courage que j'ai chaque jour pour cultiver ce potentiel : le chemin à parcourir pour être davantage ici et maintenant.


Choisir l'autre

Le canal de transmission et d’écoute que nous sommes a besoin d'être le plus clair, le plus transparent possible. Je peux choisir une présence pleine, observer mes émotions négatives, et mes traits de caractère sans m'y identifier. Je peux rester dans une forme de silence, d'immobilité, afin de respecter le rythme de l'autre. Et cela demande d'apprendre, de pratiquer beaucoup. C'est totalement inutile de donner mes théories ou de chercher les réponses à la place de l'autre, car il a les solutions en lui (en elle). Je peux le voir dans sa force, sans lui donner mes théories ou chercher les réponses à sa place. Je peux choisir de ne pas le juger ou vouloir le changer . A condition de choisir l'amour.


Le risque du conseil

la Communication Non Violente, ou bienveillante, comporte un grand risque : lorsque la technique de l'écoute, de la reformulation, des hypothèses émises, du partage de ressenti, est au service de l'ego, de cet espace si puissant qui cherche à changer l'autre, ou prendre tout l'espace. Pour avoir travaillé dans ce domaine depuis 25 ans, j'ai conscience que, dans le choix que j'ai fait il y a quelques années d'être au service dans la relation d'aide, ce risque est d'autant plus grand que j'avais appris à manipuler les mots, à écouter les ressentis, à formuler des hypothèses, à utiliser un questionnement ouvert. Cette technique, précieuse, a besoin d'être au service du coeur, dans une posture totalement humble, discrète et désintéressée. Désapprendre une manière de communiquer "technique", pour réapprendre depuis l'espace du coeur, c'est le parcours que j'ai choisi, et j'ai de la gratitude d'appartenir à ce système. La recherche de Dieu et la connexion avec le divin présent en chacun de nous est un chemin pur vers l'écoute. De là que peut partir toute communication sincère et aimante. Pour illustrer cette démarche, voici un extrait de l'Ecoute Réciproque (A. Gromelard, prêtre et écrivain).


"Ecouter, c’est commencer par se taire…

Avez-vous remarqué combien les “dialogues” sont remplis d’expressions du genre : “c’est comme moi quand…” Bien souvent, ce que l’autre dit n’est qu’une occasion de parler de soi.

Ecouter, c’est commencer par arrêter son petit cinéma intérieur, son monologue portatif, pour se laisser transformer par l’autre. C’est accepter que l’autre entre en nous-même comme il entrerait dans notre maison et s’y installerait un instant, s’asseyant dans notre fauteuil en prenant ses aises.

Ecouter, c’est vraiment laisser tomber ce qui nous occupe pour donner tout son temps à l’autre. C’est comme une promenade avec un ami : marcher à son pas, proche, mais sans gêner, se laisser conduire par lui, s’arrêter avec lui, repartir, pour rien, pour lui.

Ecouter, ce n’est pas chercher à répondre à l’autre, sachant qu’il a en lui-même les réponses à ses propres questions. C’est refuser de penser à la place de l’autre, de lui donner des conseils et même de vouloir le comprendre.

Ecouter, c’est accueillir l’autre avec reconnaissance tel qu’il se définit lui-même, sans se substituer à lui pour lui dire ce qu’il doit être. C’est être ouvert positivement à toutes les idées, à tous les sujets, à toutes les expériences, à toutes les solutions, sans interpréter, sans juger, laissant à l’autre le temps et l’espace de trouver la voie qui est la sienne.

Ecouter, ce n’est pas vouloir que quelqu’un soit comme ceci ou comme cela, c’est apprendre à découvrir ses qualités spécifiques. Être attentif à quelqu’un qui souffre, ce n’est pas donner une solution ou une explication à sa souffrance, c’est lui permettre de la dire et de trouver lui-même son propre chemin pour s’en libérer.

Apprendre à écouter quelqu’un, c’est l’exercice le plus utile que nous puissions faire pour nous libérer de nos propres détresses.

Ecouter, c’est donner à l’autre ce que l’on ne nous a peut-être jamais donné : de l’attention, du temps, une présence affectueuse.

C’est en apprenant à écouter les autres que nous arrivons à nous écouter nous-mêmes, notre corps et nos émotions. C’est le chemin pour apprendre à écouter la terre et la vie, c’est devenir poète, c’est sentir le cœur et voir l’âme des choses.

A celui qui sait écouter est donné de ne plus vivre à la surface : il communie à la vibration intérieure de tout vivant. Il commence à découvrir l’infini qui vit à la fois la richesse et l’originalité de l’autre. C’est alors qu’il entrevoit combien la rencontre est source d’être et non pas d’avoir. C’est le seul luxe gratuit car offert à la décision et à la liberté de chacun."


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